L’un des moments forts vécus par la délégation d’élus français qui s’est rendue en Palestine du 29 mai au 1er juin en hommage à Fernand Tuil fut leur participation au sit-in qui a lieu depuis plusieurs semaines devant la municipalité d’al-Bireh, en soutien aux prisonniers palestiniens en grève de la faim depuis quarante jours. Il y a là, sous une tente de toile blanche, des membres des familles de ces prisonniers dont la vie ne tient qu’à la décision du gouvernement d’Israël. Surtout des femmes dont les maris, les pères ou les fils sont parmi les grévistes. Les plus jeunes ont sur les genoux des petits enfants qui regardent avec étonnement ces maires, députés, sénateurs venus de France apporter leur solidarité à ces familles en détresse. Des portraits de prisonniers ornent la tente. Beaucoup sont jeunes, mais pas tous. Il y a par exemple le secrétaire général du Conseil national palestinien, un des neuf députés qui a passé en prison presque tout son temps depuis les élections de 2006. « Depuis trente-huit jours, dit son épouse, ils sont en grève totale, avec juste de l’eau et du sel pour tenir. Leur situation devient critique et près de la moitié sont déjà hospitalisés. Pourtant ils ne demandent qu’une seule chose : être jugés, car pour l’instant ils sont prisonniers administratifs, c’est-à-dire arrêtés sans qu’on leur dise pourquoi et détenus sans jugement. »
Une autre femme, désespérée, raconte que ses deux fils sont en prison et que l’un d’eux a dû être amputé et a perdu un œil. « Aidez-moi à le sauver, car j’ai déjà perdu mon troisième fils. » Le professeur Ahmed Katamesh, lui, en est sorti après huit ans. « C’est Kafka, dit-il. La détention est prolongée de six mois en six mois, sans savoir pourquoi. Vingt-sept membres de la Knesset israélienne ont demandé notre libération. En vain. »
Israël refuse de libérer Marwan Barghouti, dirigeant du Fatah
Patrick Le Hyaric, député européen et directeur de l’Humanité, souligne à quel point cette situation est injuste et contraire à la légalité internationale : « Nous allons, dit-il, interpeller nos gouvernements. Il faut que l’UE suspende son accord d’association avec Israël, comme le prévoit l’article 2 en cas de violation des droits humains. »
Au siège de la Campagne internationale pour la libération des prisonniers palestiniens, lancée l’an dernier depuis la cellule de Nelson Mandela à Robben Island, Fadwa, l’épouse de Marwan Barghouti, dirigeant du Fatah emprisonné depuis 2002 et devenu le Mandela palestinien, s’indigne : « Israël refuse de le libérer alors qu’il est un ardent partisan de la paix et que la réconciliation Hamas-Fatah lui doit beaucoup. »
Nabil Chaath, qui fut négociateur de l’OLP (dont il s’occupe des relations extérieures), souligne : « La question des prisonniers est si grave qu’elle est à l’origine du retard dans l’annonce du gouvernement d’union nationale, Israël et les États-Unis insistant pour qu’il n’y ait plus de ministre des Prisonniers. » Et de rappeler que « c’est le non-respect par Israël de son engagement, signé dès 1994, de libérer trente prisonniers politiques incarcérés avant les accords d’Oslo, qui a provoqué la rupture des négociations lancées en 2013 par John Kerry ». C’est dire l’importance du combat de ceux qui, dans les prisons d’Israël, mettent leur vie en jeu. »