» LE PLUS. Face à la crise en Ukraine, Pascal Durand, tête de liste Europe-Écologie aux élections européennes en Île-de-France, Clarisse Heusquin, tête de liste Europe-Écologie aux élections européennes (région Centre), Karima Delli, député européenne Europe-Écologie et tête de liste aux élections européennes (région Nord-Ouest), appellent l’Europe à parler fermement et à agir vite.
Des Ukrainiens se sont réunis sur la place de l’indépendance à Kiev, le 9 mars 2014 (E. LUKATSKY/SIPA).
23h. Dans le train de nuit qui relie Kiev à Odessa, nous partageons un thé avec un commerçant pakistanais pachtoune. Il parle russe et vit à Odessa depuis plus de 20 ans. Nous sommes français, il nous parle de l’Europe.
« Nous voulons que l’Europe signe un accord avec l’Ukraine. Un accord, ce sont des règles qui délimitent ce que l’on a le droit de faire et de ne pas faire, qui déterminent où vont les taxes, qui a le droit de les prélever et pour en faire quoi. Des règles que l’Ukraine sera obligée de respecter. »
Ainsi vue de Kiev, notre vieille Europe, que l’on dit pourtant épuisée et dépassée, apparaît non seulement désirable, mais surtout indispensable. Elle illustre pour un peuple opprimé par des années de pouvoir arbitraire, oligarchique et corrompu, l’idéal d’un État de droit, démocratique et pacifié.
Les bruits de bottes ne doivent pas nous faire taire
L’EuroMaïdan est né de manière informelle, d’une alliance improbable entre des nationalistes souvent jeunes et démocrates, qui tentent, au prix du sang, de fédérer autour d’une culture commune un peuple vivant sous la tutelle d’un voisin autocrate. Loin des clichés propagandistes dignes des pires heures staliniennes, l’EuroMaïdan n’est ni un mouvement néo-fasciste, ni néo-nazi.
Il suffit pour s’en convaincre de débattre au hasard des rues ou de lever les yeux sur la foultitude de drapeaux bleu et jaune marqués des étoiles européennes qui flottent au vent.
Pour autant, si des forces xénophobes et racistes, paramilitaires ou politiques, existent bel et bien en Ukraine, elles seront d’autant plus promptes à agir que les forces démocratiques naissantes peineront à se regrouper pour préparer les futures échéances électorales.
Là est la responsabilité de l’Union européenne. C’est à nous de les aider, car pendant ce temps, Vladimir Poutine mobilise ses chars et ses milices. Au nom de la protection d’une population russophone qui ne demande pourtant aucune aide, Poutine cherche à s’assurer un contrôle total sur la Crimée, voire au-delà.
Ces bruits de bottes ne doivent pas nous faire taire. Dans cette crise ukrainienne, si l’Europe ne veut pas perdre le dernier crédit qui lui reste auprès d’une population qui la regarde encore les yeux pleins d’espoir, elle doit parler fermement et agir vite.
Suspendre toute coopération militaire avec la Russie
Il ne suffira pas de soutenir l’envoi d’une commission d’enquête indépendante, même si toute la lumière sur les exactions de l’ancien régime devra être faite.
Il faudra défendre le respect de l’intégrité du territoire ukrainien que les Russes et leurs affidés contestent en Crimée et sans un recul rapide et concret de Vladimir Poutine, l’annulation de la tenue du G8 à Sotchi constituera une première mesure minimale.
Il faudra également suspendre toute coopération militaire avec la Russie. Cela concernera en premier lieu la France qui doit encore livrer deux porte-hélicoptères achetés par la Russie en 2011 et qui doit accueillir fin mars plus de 400 militaires russes à Saint-Nazaire.
Il faudra très rapidement signer un accord d’association rééquilibré entre l’UE et l’Ukraine, qui attend de l’Europe qu’elle envoie des experts pour auditer les finances publiques, structurer la justice et surveillerle bon déroulé des élections.
Au niveau économique, l’UE devra être au rendez-vous. Une réponse concertée, avec la BERD et la BEI, hors ajustements structurels, devra être négociée afin de soutenir une économie déjà lourdement atteinte, par des prédations effectuées pendant des décennies au seul profit de quelques oligarques.
Mais pour parvenir à cela, il faut que l’Europe accepte de se regarder sans fard dans le miroir que lui tend le peuple ukrainien. Et qu’y verra-t-elle ? 28 États incapables d’organiser une riposte concertée et efficace à une opération de déstabilisation menée à ses portes et de répondre concrètement à l’appel à l’aide qu’un peuple qui se révolte pacifiquement lui adresse.
N’ayons ni l’Europe timide, ni l’Europe honteuse
À l’évidence, l’Europe, qui reste pourtant à l’extérieur de ses frontières, le puissant symbole d’un espace politique fondé sur la paix, la démocratie et la solidarité entre les peuples, est impuissante à mener une politique commune, dès lors qu’il s’agit de défendre ses valeurs historiques.
L’Europe politique s’est égarée en chemin d’une construction européenne, qui n’en fait plus qu’une réalité économique, un marché bientôt sans âme et sans souffle.
Cette Europe là ne fait pas rêver, ni en Ukraine, ni chez nous. Elle a renoncé à changer le cours du monde, elle le regarde ; indifférente ou impuissante.
L’Europe voulue par nos aînés au sortir de la guerre – celle qui nous a offert la possibilité de pouvoir agir sur le cours des choses sans risquer nos vies, ni entendre manœuvrer les chars – est celle qui a permis au peuple ukrainien de trouver la force de changer son destin. C’est elle que nous devons faire revivre.
… »
Tribune co-signée par Pascal Durand, tête de liste Europe-Écologie aux élections européennes en Ile de France, ex Secrétaire national EELV, Clarisse Heusquin , tête de liste Europe-Écologie aux élections européennes, région Centre et Karima Delli, Député européenne Europe-Écologie, tête de liste aux élections européennes, région Nord-Ouest.