Le 17 septembre dernier, Ali Anouzla, Directeur de la version arabophone du site d’information marocain Lakome, a été arrêté pour avoir publié un lien vers le site du quotidien espagnol El País renvoyant vers une vidéo « d’Al-Qaïda au Maghreb islamique » (AQMI), intitulée « Maroc: royaume de la corruption et du despotisme ». D’emblée, Lakome avait précisé qu’il s’agissait d’une vidéo de « propagande ».
Le 24 septembre, Ali Anouzla est passé devant le juge d’instruction pour « assistance matérielle », « apologie du terrorisme » et « incitation au terrorisme » et est actuellement incarcéré à la prison de Salé-Rabat, connue pour abriter de nombreux détenus impliqués dans des affaires de terrorisme islamique. Il encourt de 6 à 20 années d’emprisonnement.
Ali Anouzla est connu pour être un journaliste indépendant qui s’attaque à des questions sensibles, taboues, ignorées par les médias traditionnels et qui touchent les plus hautes sphères du pouvoir marocain.
La diffusion de vidéos d’AQMI est une pratique existante dans les médias internationaux, elle est destinée à informer et non pas à cautionner. La Fédération internationale des Journalistes considère qu’Ali Anouzla « n’a pas enfreint le code de conduite et la déontologie qui s’applique au métier de journalisme ».
Malika Benarab-Attou, eurodéputée Les Verts/ALE, déclare :
« Tout comme une soixantaine d’organisation dont Reporters sans frontières, Human Rights Watch, Amnesty international, Mediapart qui se mobilisent pour la libération de M. Anouzla, je m’inquiète du risque grave de violation de la liberté de presse. Dans ce contexte, le 30 septembre, j’ai envoyé un courrier à l’Ambassadeur du Maroc auprès de l’UE. J’ai aussi pris contact avec Driss El Yazami, Président du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) au Maroc. Ces deux tentatives n’ont pas permis de débloquer la situation de M. Anouzla qui reste incarcéré depuis 1 mois dans l’incompréhension totale. »
L’eurodéputée ajoute :
« J’ai été interpellée par Aboubakr Jamai, Directeur de la version francophone de Lakome, que j’ai invité au Parlement européen. Comme il l’explique, M Anouzla est le journaliste qui a dénoncé l’affaire du « Daniel Gate », créant une vive polémique. Son arrestation n’est-elle pas une attaque contre l’expression d’un nouveau modèle de journalisme; un journalisme émergent qui dénonce la répression des libertés en règle générale ? Le pouvoir marocain se cache-t-il derrière l’argument de la lutte contre le terrorisme pour justifier toute atteinte aux libertés de la presse et d’expression ? Au PE ce lundi 14 octobre, M. Jamai a pu être entendu, à ma demande, par les participants de la Délégation Maghreb. Le Président de cette Délégation, M. Panzeri s’est engagé à interpeller les autorités marocaines par l’intermédiaire de son ambassadeur. Avec d’autres eurodéputés (Ana Gomes, Marie-Christine Vergiat, Marisa Matias, Sonia Alfano, Veronique De Keyser) nous avons affirmé notre soutien à M. Anouzla. »
Malika Benarab-Attou conclue :
« La libération de M. Anouzla est une nécessité car sont en jeu les libertés d’expression au Maroc et la crédibilité du processus de réforme qui se veut démocratique. Enfin, le cas d’Ali Anouzla rappelle aussi que des jeunes du Mouvement du 20 février sont arrêtés et emprisonnés dans le silence. »