La question est celle de l’application du principe de prévention ; en interdisant la fracturation hydraulique, la loi interdit de fait la seule technique connue à ce jour, mais aux risques avérés, pour extraire des gaz et pétrole de schiste. Aux Etats-Unis et au Canada, cette technique a provoqué de graves pollutions de l’air et de l’eau.
Par sa décision du 11 Octobre 2013, le Conseil Constitutionnel indique que par cette loi « le législateur a poursuivi un but d’intérêt général de protection de l’environnement », et a décidé que les articles 1er[1] et 3[2] de la loi, mis en cause par Schuepbach, sont conformes à la Constitution.
Précision importante, le Conseil Constitutionnel a distingué les puits de forage pour la géothermie et ceux à destination de l’extraction de gaz de schiste : «les procédés de forage suivi de fracturation hydraulique de la roche appliqués pour la recherche et l’exploitation d’hydrocarbures diffèrent de ceux appliqués pour stimuler la circulation de l’eau dans les réservoirs géothermiques tant par le nombre de forages nécessaires que par la nature des roches soumises à la fracturation hydraulique, ainsi que par les caractéristiques et les conditions d’utilisation des produits ajoutés à l’eau sous pression pour la fracturation ».
Ainsi, les sages indiquent que le recours à la fracturation hydraulique pour la géothermie ne présente pas les mêmes risques pour l’environnement et qu’il est donc possible d’y avoir recours.
La loi ainsi interprétée montre une volonté de développer des énergies renouvelables plutôt que de recourir à des énergies fossiles et portant atteinte à la santé et à l’environnement.
Je me réjouis de cette décision, mais la bataille n’est pas terminée ;
En effet, suite à l’abrogation de ses deux permis de Nant et de Villeneuve de Berg, Schuepbach comptait réclamer 1 milliard d’euros d’indemnisation à l’Etat.
Le Conseil constitutionnel précise que « les autorisations de recherche minière accordées dans des périmètres définis et pour une durée limitée par l’autorité administrative ne sauraient être assimilées à des biens objets pour leurs titulaires d’un droit de propriété » ; ainsi, Schuepbach n’ayant jamais été propriétaire de cette autorisation ne peut faire valoir le manque à gagner suite à l’abrogation de ces permis. De plus, pour demander une indemnisation, il faut que le préjudice soit direct, certain et personnel ; ce n’est pas le cas. Et Schuepbach n’avait pas l’intention d’investir autant dans la recherche. C’est une demande sans fondement de la part la société texane.
Enfin, il existe toujours des permis « conventionnels » sur le territoire (Alès, Seine et Marne…), très surveillés par les collectifs citoyens, et sur lesquels il faudra veiller pour que la technique de fracturation hydraulique ne soit pas utilisée.
Cette décision est un signal de plus pour engager la transition énergétique, en disant stop aux énergies fossiles et en investissant plutôt dans l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables ! »
[1] « En application de la Charte de l’environnement de 2004 et du principe d’action préventive et de correction prévu à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche sont interdites sur le territoire national. »
[2] . ― « Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, les titulaires de permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux remettent à l’autorité administrative qui a délivré les permis un rapport précisant les techniques employées ou envisagées dans le cadre de leurs activités de recherches. L’autorité administrative rend ce rapport public.
II. ― Si les titulaires des permis n’ont pas remis le rapport prescrit au I ou si le rapport mentionne le recours, effectif ou éventuel, à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, les permis exclusifs de recherches concernés sont abrogés.
III. ― Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, l’autorité administrative publie au Journal officiel la liste des permis exclusifs de recherches abrogés.
IV. ― Le fait de procéder à un forage suivi de fracturation hydraulique de la roche sans l’avoir déclaré à l’autorité administrative dans le rapport prévu au I est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. » «