La Tunisie avance sur la voie difficile de la démocratisation après une longue et difficile période de dictature. Notre devoir est de l’aider et de l’encourager. Comme les autres pays méditerranéens. Et comme nous l’avons fait pour les pays d’Europe orientale. Le __[BLOG|http://www.nicolekiilnielsen.eu/2012/11/delegation-de-la-commission-femm-du-parlement-en-tunisie-29-30-et-31-0ctobre-2012/|fr]__ de Nicole KIIL – NIELSEN » La Tunisie traverse une phase cruciale de sa Révolution qui risque d’être inachevée si le pouvoir patriarcal n’est pas remis en cause et si la Constitution ne consacre pas l’égalité Femmes/Hommes. Les féministes en sont très conscientes et disent qu’elles « ne lâcheront rien » et ce, malgré la montée de la violence et les menaces dont elles sont l’objet. L’Union Européenne soutient les réformes en cours, la Commission Européenne vient d’adopter un nouveau programme d’une valeur de 25 millions d’euros visant à renforcer l’Etat de droit et appuyer la transition démocratique ; la Commission Européenne et l’ONU Femmes ont également lancé le 17 Octobre 2012 un programme régional conjoint visant à autonomiser les femmes sur les plans économique et politique dans la région Sud de la Méditerranée intitulé « Le Printemps des femmes ».
C’est dans un contexte d’incertitude pour le devenir des femmes tunisiennes que la Commission FEMM du Parlement Européen a souhaité se rendre à Tunis pour apporter son soutien aux associations engagées dans ce combat pour l’égalité fondamentale et pour la démocratie. Nous avons pu rencontrer les représentantes des différentes associations féministes, du syndicat UGTT et des membres de l’Assemblée Nationale Constituante (ANC). Quelle chance de pouvoir échanger avec des femmes aussi engagées et courageuses que Maya Jribi, qui fut la première femme tunisienne dirigeante d’un parti politique et qui est aujourd’hui secrétaire générale de la nouvelle formation dénommée Parti Républicain et qui siège à l’ANC dans l’opposition, avec Samira Merai Friaa, avec la réalisatrice Salma Baccar, Ahlem Belhadj… Nous avons également rencontré des représentantes de la troika gouvernementale des partis Ettakatol et CPR (congrès pour la république) ainsi que la célèbre et controversée Vice-Présidente de l’ANC issue du parti islamiste Ennahdha, Meherzia Labidi. __Un compte-rendu non exhaustif__ : Participation à la table ronde organisée par l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) le 29 Octobre à Tunis : Aujourd’hui, un an après les élections, les membres de l’Assemblée Nationale Constituante (ANC) travaillent sur les principes fondamentaux de la Constitution et sur son préambule. L’ANC est en effet chargée de la rédaction d’une Constitution ainsi que de l’organisation d’élections présidentielles et parlementaires prévues pour Juin 2013. L’achèvement de la rédaction de la Constitution était prévu pour le 23 0ctobre 2012 mais les dissentions sont importantes et rien n’est encore acté. Au cours de la table ronde, les échanges ont porté sur certains points de la Constitution qui concernent les droits des femmes. Les militant-e-s pour l’égalité femmes/hommes ne cachent pas leur inquiétude face à l’absence de référence aux principes universels des droits humains. Ahlem Belhadj (à gauche sur la photo), présidente de ATFD a tenu à insister sur la spécificité de la situation des femmes tunisiennes dans le monde arabe avec le Code du statut personnel de 1956 et les acquis obtenus par la suite : monogamie, divorce, vote… Elle a ensuite rappelé que la Tunisie a ratifié la majorité des conventions internationales relatives aux droits des femmes, droits économiques, sociaux, civiques : la convention internationale du travail de nuit en 1957, la convention internationale du travail sur l’égalité de traitement en 1967, la convention sur la politique de recrutement, sur l’égalité de rémunération en 1968 et enfin la convention de Copenhague en 1985 sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes. Dans la Constitution, s’il est précisé dans l’alinéa 15 des dispositions générales que l’Etat Tunisien doit respecter les conventions internationales, il est aussi mentionné : uniquement dans la mesure de leur conformité avec les dispositions de la Constitution, ce qui constitue un signe inquiétant pour Ahlem Belhadj. Pour les féministes, la primauté du Droit international et des Droits humains sur le droit interne devra être expressément indiquée, la constitution devant être la référence et ne pas renvoyer à une autre source. Sinon, l’article 7, par exemple qui stipule que l’Etat garantit les droits des femmes pourrait être interprété en faveur de la polygamie signifiant aux yeux de certains une chance pour les femmes célibataires. Le problème est le risque des diverses interprétations ! Il faut un préambule qui soit au-dessus des interprétations. __Débats à l’ANC__ Les débats étaient très passionnés ce mardi 23 et mercredi 24 à l’Assemblée ; ils portaient sur le préambule et en particulier sur le maintien de l’Article 1 de la constitution tunisienne de 1959 qui stipule « la Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain : sa religion est l’islam, sa langue l’arabe et son régime la république ». Les députés du parti Ennahdha sont de nouveau monté au créneau pour faire adopter la reconnaissance de l’islam comme source de droit ( Charia) et non plus comme religion d’Etat, pour ajouter des références prononcées aux valeurs islamiques, la mention explicite de la famille et du mariage, la criminalisation de l’atteinte au sacré. Les élu-e-s de l’opposition revendiquaient avec la même fermeté la référence explicite à l’universalité des droits humains. Il semble que l’Article 28 qui qualifiait les femmes de « complémentaires des hommes » ait été revu en faveur d’une définition égalitaire. Lors des débats, la coalition gouvernementale est apparue quelque peu ébranlée et certains observateurs estiment que le vote n’est pas acquis, des élu-e-s des partis de centre-gauche (CPR et Ettakatol) ayant pris des positions opposées à Ennahdha. Lorsque la version finale du texte fondamental sera prête, elle sera votée article par article, et ensuite dans son ensemble à la majorité des deux tiers. «