((/images/p1020542-copie-300×225.jpg)) Marc Dufumier avec l’équipe de VERT L’AVENIR : Guy Marimot, Laurent Delpech, André Minetto … photo prise lors de sa conférence-débat organisée par VERT L’AVENIR le 22 novembre 2008 à Mouans-Sartoux » : « Le commerce équitable et les rapports Nord – Sud » A lire en entier dans Rue89 : [http://www.rue89.com/entretien/2010/07/31/plutot-que-decroissance-il-faut-penser-bien-etre-et-democratie-160554|http://www.rue89.com/entretien/2010/07/31/plutot-que-decroissance-il-faut-penser-bien-etre-et-democratie-160554|fr] » Par David Servenay Rapports Nord/Sud, modèles de production, Grenelle : l’agronome Marc Dufumier revient sur les défis du monde paysan. Marc Dufumier n’a jamais la langue dans sa poche. Ni pour ses étudiants d’AgroParisTech, où il occupe la chaire d’agriculture comparée et de développement agricole, ni pour les politiques qu’il a abordé au moment du Grenelle de l’environnement. Agronome bio, passé par le privé avant d’enseigner, il milite pour un « virage à 90 degrés » du monde agricole, tout en se méfiant de la décroissance. Entretien. __Nord et Sud__ __Pourquoi les agriculteurs du Nord ne parviennent-ils pas à nourrir l’humanité aujourd’hui, compte tenu des progrès effectués depuis cinquante ans ?__ __La réponse est facile : la faim naît de la pauvreté des gens du Sud.__
Les agriculteurs du Nord sont, c’est vrai, excédentaires pour les produits de première nécessité (céréales, légumes secs, viande…). Ils pourraient donc nourrir le monde entier : il faut 200 kilos d’équivalent céréales par an pour nourrir un habitant, et la production mondiale totale est déjà de 330 kilos par habitant. Mais voilà, les gens sont pauvres, dans les pays du Sud, mais aussi en France, aux Etats-Unis, en Argentine ou au Brésil. Les 130 kilos d’excédents vont ailleurs, vers des marchés solvables, comme les usines d’aliments pour bétail. Et depuis peu, une part de cette énergie alimentaire va aussi abreuver nos voitures sous la forme de bio-carburants. __C’est donc un déséquilibre chronique…__ __Oui, mais il concerne le système économique mondial, et pas seulement l’agriculture.__ Les pays du Sud sont dans une compétition totalement inégale, une course entre un coureur à pied et un pilote de Formule 1 et où celui qui est subventionné, c’est le pilote ! Prenons un paysan de Casamance (Sénégal), qui repique du riz à la main : Il cultive 0,5 hectare, avec un rendement de 1,1 tonne à l’hectare Il produit 550 kilos de riz par an, quantité utilisée en partie pour les semences La valeur ajoutée de son travail est donc de 0,5 tonne de riz par actif et par an Un agriculteur de Camargue qui plante du riz avec son tracteur : Il cultive 100 hectares, avec un rendement de 5 tonnes à l’hectare Il produit 500 tonnes de riz par an, 400 servent à pauer les semences, le prix du diesel, des engrais… La valeur ajoutée de son travail est donc de 100 tonnes de riz par actif et par an Vous avez donc un rapport de 1 à 200 entre ces deux agriculteurs. A Dakar, le paysan va essayer de vendre sur le marché le peu de riz qui lui reste pour acheter des produits de première nécessité. Sur ce marché, son riz est en concurrence avec les autres riz (chinois, thaïlandais, vietnamien…) qui, tous, se vendent au même prix. Or, dans le sac de riz de Casamance, il y a 200 fois plus de travail que dans celui de Camargue. Donc, le paysan sénégalais ne pourra produire assez pour acheter ce dont il a besoin. Pire : ceux qui s’endettent, à défaut de pouvoir épargner, sont obligés, au moindre accident climatique, de vendre leur terre et de s’exiler en ville. __C’est la raison pour laquelle l’Afrique achète une part croissante de son riz en Chine ?__ L’Afrique achète surtout son riz (en fait des brisures de riz) au Vietnam et à la Thaïlande. Le prix de ce riz est indexé sur la productivité d’un travail hautement mécanisé, mais qui aussi nettement sous-payé. D’ailleurs, depuis que la Chine est entrée à l’OMC, nous observons un mouvement massif d’exode des campagnes vers les villes côtières. Cela tient au fait que l’agriculture chinoise ne parvient pas à être suffisamment rémunérée. __Que pensez-vous de l’argumentaire des multinationales disant : « Les OGM vont pouvoir nourrir les pays du Sud » ?__ La pauvreté est à l’origine de la faim. Il faut augmenter les rendements. La bonne question, c’est comment ? Est-ce que cela passe par les OGM ou plus simplement par « l’amélioration variétale » dans les pays pauvres ? Là où l’on a réalisé la « révolution verte » en s’inspirant des pays du Nord, c’est-à-dire en améliorant les variétés cultivées, il faut aussi des engrais de synthèse et une protection phytosanitaire, avec des coûts monétaires et environnementaux qui explosent. __En gros, on devient plus dépendant de la pétrochimie. Et cela donne les exclus de la révolution verte.__ __Mais il y a des contre-exemples, non ?__ Elle a réussi avec l’irrigation, le drainage et dans des exploitations familiales de taille moyenne. Dans le Penjab, l’île de Java, le delta du fleuve rouge, le Nordeste mexicain, certains coins d’Afrique australe… en fait partout où il n’y avait pas d’aléas climatiques, cela a marché. Mais elle a eu un coût écologique, en introduisant la pollution, et elle a pesé sur l’équité sociale. Il ne faut pas renoncer à augmenter les rendements, mais autrement. __Changer de modèle__ __Justement, y-a-t-il d’autres voies connues ?__ Oui, mais elles sont peu connues du grand public et souvent méprisées par certains agronomes, généticiens et technocrates. D’abord, l’énergie alimentaire que nous dépensons, vient du soleil, via le mécanisme de la photo-synthèse, avec l’aide du carbone de l’air. Idéalement, il faudrait faire en sorte que pas un rayon de soleil ne retombe à terre. Il faut aussi que la plante soit correctement alimentée en eau et pas trop exposée au vent. Il faut donc des haies, des arbres d’ombrage pour créer un micro-climat qui permette de poursuivre le plus longtemps possible la photo-synthèse. Ensuite, on se nourrit aussi de protéines végétales. Pour cela, il faut de l’azote que l’on trouve dans l’air ou dans les légumineuses (trèfle, luzerne, haricot, arachide, soja, acacia), qui sont capables de fixer ce gaz pour fabriquer des protéines végétales. Enfin, on a aussi besoin d’éléments minéraux, dans le sol, qui sont moins renouvelables. Certaines plantes sont capables d’aller chercher ces minéraux en profondeur dans le sol, pour les recycler ensuite dans la couche arable en éléments fertilisants. L’acacia, par exemple, permet de créer un micro-climat très fertile. Il faut travailler en circuit court, sur la gestion des cycles de l’eau, du carbone, de l’azote et des éléments minéraux. Donc, en oubliant la monoculture, la « chimisation », les tracteurs, mais en travaillant sur l’association des variétés pour faire une agrobiologie renouvelable. __La décroissance__ __Croyez-vous en la décroissance ?__%%% … «