Corinne Lepage, députée européenne : « l’écologisation du MoDem est une condition de sa pérennité » et « je me réjouis de la décision prise hier soir ( le 9 juin ) de créer avec les Verts un système de coopération renforcée. »

((/images/LEPAGE-Corinne-2006.jpg))%%% L’intégralité du débat avec Corinne Lepage, députée européenne du MoDem et ex-ministre de l’environnement, mercredi 10 juin 2009 Lors d’un chat sur Le Monde.fr, la vice-présidente du MoDem revient sur l’échec aux européennes, appelle à démocratiser le parti, et réfute avoir été approchée pour entrer au gouvernement. cerrumios : Quel est selon vous l’avenir du Modem et de François Bayrou sur la scène politique française ? Est il définitivement hors course ? Je ne crois pas du tout, à la condition bien sûr que nous renouvelions très profondément nos méthodes de travail et notre projet. Nous avons besoin d’un parti qui soit démocrate, humaniste et écologique. Et si le MoDem parvient à cette réalisation, alors, un grand espoir lui est permis. minoou : Trois jours après les élections, quel est le sentiment général qui règne au MoDem ? Nous sommes déçus, bien sûr, des résultats que nous avons faits. François Bayrou a été courageux dans la mesure où il a reconnu ses responsabilités.

Il n’y a rien à lui reprocher sur ce plan-là. Nous avons décidé de revenir vers nos militants, à ma demande, de renouveler le comité exécutif, comme je le proposais, et de réfléchir sur le projet. A cette fin, la décision prise hier soir de mettre en place une coopération renforcée avec le groupe des Verts au Parlement européen m’apparaît de très bon augure. ant1 : Qu’est-ce qui vous différencie foncièrement, vous madame Lepage, d’Europe Ecologie et des partis de gauche/social-démocratie ? Ne pourriez-vous pas y trouver votre place et peut être (re)trouver votre voix ? Je pense qu’aujourd’hui, personne n’est parvenu en France à réaliser la synthèse entre démocratie, humanisme et écologie. C’est à cette grande synthèse qu’il faut s’attaquer, et je pense que dans beaucoup des mouvements que vous citez, des personnes sont à la recherche de la même synthèse. Naaba : Pensez-vous que l’altercation entre François Bayrou et Daniel Cohn-Bendit ait joué un si grand rôle que ça au moment de l’élection ? N’y a-t-il pas une seul victime dans cette histoire : le débat politique ? L’un n’exclut malheureusement pas l’autre. Je pense que l’émission de jeudi soir a donné une image détestable du débat politique. Il n’en demeure pas moins que l’altercation a incontestablement fait perdre plusieurs points aux candidats du MoDem. David_Miodownick : Comment concilier d’une manière crédible écologie et économie de marché ? J’ai essayé dans « Vivre autrement » d’expliquer ce que pourrait être une évolution soutenable. Il s’agit en réalité de reconvertir notre industrie vers un développement compatible avec nos ressources. Cela peut se faire, bien sûr, dans une économie de marché, à la condition qu’elle soit régulée et que l’intérêt général soit préservé. Gobelin05 : Pensez-vous que les Verts (et Europe-Ecologie) sont « trop à gauche » ? Si oui, pourquoi ? Je n’ai pas à juger du positionnement des Verts ou d’Europe Ecologie, qui n’est effectivement pas le même. Les Verts français sont beaucoup plus à gauche que Daniel Cohn-Bendit et les Verts européens. Dans le cadre de ce que j’indiquais ci-dessus (démocratie-humanisme-écologie), nous devons dépasser la vision du XXe siècle, socialisme contre libéralisme, pour construire une économie et une société adaptées aux défis qui sont ceux du XXIe siècle. C’est tout l’enjeu. sylvain : Ne pensez-vous pas que la stratégie du MoDem à ne pas vouloir s’engager dans la préparation d’une alternative avec les partis de gauche sera préjudiciable à terme ? Je pense que nous sommes dans une grande recomposition politique. Le MoDem doit être clair sur ses fondamentaux, et sur son orientation vers une évolution soutenable. A partir de là, rien ne peut a priori être écarté, et pour ma part, si des primaires étaient organisées entre tous les opposants potentiels à Nicolas Sarkozy, je pense que François Bayrou devrait se poser la question de savoir s’il ne souhaite pas y participer. Papageno : Quel rôle voudriez-vous jouer dans le nouveau comité exécutif du Modem ? Je suis déjà vice-présidente du MoDem. Je souhaite incarner dans ce mouvement, dont je rappelle que je suis cofondatrice, un rôle majeur pour développer une gouvernance plus collégiale et plus démocratique et pour faire de ce parti, comme je l’ai dit depuis un an et demi, le parti du développement soutenable. Il est en effet tout à fait logique qu’un mouvement politique qui veut être au-delà d’une droite et d’une gauche dont les fondamentaux restent ceux du XXe siècle s’oriente vers ce qui est au centre des sujets : la définition d’un nouveau mode de développement et l’invention d’une gouvernance qui soit démocratique et qui mette effectivement l’humain comme une priorité, en particulier sur l’argent. Philippe__de_Slovaquie : La dimension écologique y aura-t-elle vraiment sa place ? Médiatiquement au minimum ? C’est indispensable. Et je dirais même que c’est une condition évidemment du succès du MoDem, mais même de sa pérennité. Guillab : Ces derniers jours, vous avez remis au devant de la scène Cap 21, votre mouvement fondateur du MoDem. Ne pensez-vous pas que cette indépendance est source de division entre les membres des formations et nuit finalement à faire du MoDem une véritable force de proposition sur les questions écologiques ? Je ne le crois pas du tout. Dans les conditions d’adhésion de Cap 21 au MoDem figure depuis l’origine la reconnaissance d’une autonomie programmatique et financière. C’est précisément parce que les propositions de Cap 21 au sein du MoDem n’ont pas été suffisamment mises en valeur que le MoDem n’a pu s’imposer comme un parti porteur de la dimension écologique. Ce n’est non seulement pas une source de division, mais c’est au contraire une source de rassemblement autour d’un projet commun. Tom : Avec le potentiel « médiatique » des têtes de liste, telles que J.-F. Kahn, R. Rochefort ou vous-même, pourquoi François Bayrou ne vous a-t-il pas plus mis en avant au niveau national lors de la campagne ? Je pense que c’est à lui qu’il conviendrait de poser cette question. Ce n’est pas faute de l’avoir demandé, mais je pense que le succès médiatique de son livre est une large partie de la réponse à votre question. David_Miodownick : N’est-ce pas une erreur fatale d’avoir voulu présidentialiser à outrance ce scrutin européen ? Je pense que paradoxalement, le succès du livre s’est retourné contre nous, dans la mesure où il est devenu le centre du débat médiatique et a occulté nos propositions et notre campagne de terrain, qui étaient profondément européennes. papageno : La meilleure chance pour l’écologie, compte tenu de l’urgence, chaque année compte, ne serait-elle pas de coopérer avec le gouvernement en place ? Je ne poserais pas la question comme cela. Je pense que chaque fois que le gouvernement va dans le bon sens, pas seulement en effet d’affichage mais dans la réalité des décisions prises, il faut évidemment le soutenir. Je l’ai fait avec le processus du Grenelle, puisque j’ai moi-même commis deux rapports. Je le fais aujourd’hui au soutien de la taxe carbone. En revanche, lorsqu’on est dans l’effet d’annonce ou, encore pire, dans des choix contraires à ceux qui devraient être faits, il est de notre devoir de le dire et de le faire savoir. nicodem : Pensez-vous que la poussée des Verts sera durable, et nuira-t-elle au MoDem ? Je me suis réjouie publiquement du succès d’Europe Ecologie, dans la mesure où, écologiste convaincue depuis trente ans, je suis heureuse que les idées que je porte rencontrent un succès électoral, même si les circonstances font que ce n’est pas le mouvement auquel j’appartiens qui en récolte les fruits. Il y a des choses qui nous dépassent individuellement. La question posée maintenant est celle de savoir comment l’offre politique s’inscrit dans la durée autour de l’écologie, ou plus précisément de l’évolution soutenable. Et il va de soi que les Verts français auront le plus grand mal à être les porteurs de l’attente des Français. Il faut donc aller beaucoup plus loin, et probablement différemment. C’est ce à quoi je travaille. Julien_Balsen_1 : Quel bilan pouvez-vous faire du Grenelle de l’environnement ? Ne pensez-vous pas qu’il n’a juste été qu’une belle vitrine pour flatter les écologistes ? Quelles insuffisances noteriez-vous ? Je me réjouis tout d’abord que le Grenelle ait pu avoir lieu. Je regrette les délais, que je trouve infiniment trop longs, puisque la loi Grenelle 1, qui n’est qu’une loi de programmation, va être votée définitivement ce mois-ci, et que la loi Grenelle 2, qui porte les dispositions concrètes, ne sera débattue qu’à la rentrée prochaine. guigui : Des rumeurs font état d’approches pour vous proposer une place au gouvernement. A ce titre les propos hier du président Sarkozy sur le nucléaire résonnent comme un écho à votre tribune du Monde publiée la semaine dernière. Est-ce qu’une entrée au gouvernement est pour vous envisageable actuellement ? Tout comme vous, j’ai noté les propos du président de la République, dont j’ai pensé, peut-être de manière très immodeste, qu’il y avait un petit écho à ma tribune dans Le Monde de vendredi soir. Je n’ai été en l’état, contrairement aux rumeurs, approchée par personne. Et la question ne se pose donc pas. Par ailleurs, j’ai déjà très clairement dit que je n’étais pas d’accord avec le casting en politique, et qu’une participation gouvernementale n’a de sens que lorsqu’elle est porteuse de la politique qui s’incarne dans celui qui entre au gouvernement. Sinon, c’est une négation même de la conviction en politique. oceancool : Que pensez-vous du « slogan » ‘1 euro pour le nucléaire, 1 euro pour le développement durable’ ? Soyons les premiers dans le renouvelable ! Si c’est 1 euro pour le nucléaire et 1 euro pour le développement durable, je ne sais pas ce que veut dire « développement durable ». Si c’est 1 euro pour les énergies renouvelables et/ou l’efficacité énergétique, je dis que c’est un bon début, et appliquons-le, transférons les 4 milliards prévus pour Penly (deuxième EPR) sur les nouvelles filières du renouvelable ou l’efficacité énergétique. ecoloparis1 : Partagez-vous les thèses d’Eva Joly et les thèmes qu’elle a développés lors de cette campagne ? En totalité. Mon engagement sur la lutte contre la corruption est ancien. Il a débuté avec le combat que j’ai mené comme élue locale à Cabourg à la fin des années 1980, et a continué avec mon engagement au sein d’associations qui luttent contre la corruption comme Transparency, International et/ou Anticor. flo : Participerez-vous au Parlement européen à un front anti-Barroso avec les socialistes et les Verts ? Oui, bien sûr, et j’ai fait voter hier soir par le bureau exécutif du MoDem, avec l’accord de tous les parlementaires européens présents, la décision de soutenir la proposition alternative de M. Verhofstadt comme président de la Commission. C’est la proposition du PSE et des Verts. ant1 : Que pensez-vous personnellement de M. Barroso ? Je ne le connais pas personnellement, et ne l’attaquerai donc évidemment pas comme personne. En revanche, je suis complètement opposée à sa politique ultra-libérale. Julien_Balsen_1 : Quels seront les projets forts que vous défendrez au sein de l’hémicycle à Bruxelles en matière de développement durable ? Il y a beaucoup de sujets. Mon engagement contre les OGM est connu, et je travaillerai à ce que la comitologie et l’expertise européennes changent. Je souhaite également m’investir dans les questions climatiques et dans la directive « sols ». Enfin, je voudrais travailler à la question de la responsabilité, en particulier des sociétés mères pour leurs filiales. Dans le domaine de l’environnement. David_Miodownick : Y a-t-il une cohérence entre les différents partis libéraux démocrates européens ? Il faut tout d’abord comprendre que libéral, au sens anglo-saxon, n’a pas la même signification qu’au sens français. Libéral signifie démocrate. Nous avons des vues communes avec les libéraux sur les questions de société, de libertés publiques. En revanche, nous nous séparons d’eux sur les questions de concurrence, de services publics ou sociales. Et par ailleurs, je me réjouis de la décision prise hier soir de créer avec les Verts un système de coopération renforcée. Robert_Brugerolles : Soutiendrez-vous les projets spatiaux au Parlement européen ? Je vais regarder très attentivement les projets dont il s’agit. Il va de soi que tous les projets qui s’inscrivent dans la recherche sur les questions climatiques, sur l’évolution de la planète doivent évidemment être soutenus. Avec les outils qui sont indispensables. Peut-être d’autres projets sont-ils moins urgents. Citiznet : Pensez-vous que les agissements des financiers qui ont conduit à la crise financière mondiale devraient être sanctionnés lourdement, à l’instar des condamnations des dirigeants d’Enron ? Oui, bien sûr, dès lors que leur responsabilité personnelle sera établie, comme pour M. Madoff. Mais je me doute qu’il y a d’autres Madoff, peut-être même en Europe. ant1 : Sujet brûlant au Parlement européen en ce moment et qui l’oppose au Conseil : le paquet télécom et la pression exercée par le gouvernement français pour qu’Internet ne soit pas un droit fondamental pour laisser libre place à Hadopi. Quelle sera votre position ? Elle est sans ambiguïté aucune. Je suis probablement l’un des politiques qui s’est le plus exprimé en France sur ce sujet. Je me battrai avec toute mon énergie pour que le droit d’accès libre sur Internet soit défendu. titofar : Je suis un électeur écœuré et triste du MoDem. J’ai beaucoup cru à ses fondations en 2007. Aujourd’ui, j’ai voté Europe Ecologie. Le Modem n’a pas d’idées claires, ni originales. La réflexion idéologique en interne est nulle et je me suis ennuyé dans des réunions interminables. A quand une grande convention démocrate pour établir un projet de société ? Je voudrais vous dire que je comprends votre tristesse. En tant que responsable de commission au sein du MoDem, je sais la richesse que nous avons en interne et la faiblesse avec laquelle toutes ces propositions ont pu jusqu’à présent s’exprimer. Je souhaiterais pour ma part que nos universités d’été soient vraiment l’occasion d’un renouveau intellectuel permettant d’aller dans le sens que vous souhaitez. Phil : Y aura-t-il des primaires au sein du MoDem pour désigner le candidat à l’élection présidentielle ? La question n’est pas du tout à l’ordre du jour. Les statuts du MoDem prévoient que le président du MoDem doit être réélu en 2010. Je ne connais pas à ce jour de candidat autre que François Bayrou. Par voie de conséquence, à ce jour la question n’est pas posée. Utilisateur6 : Peut-on envisager le MoDem sans François Bayrou, ou du moins avec un autre leader ? La question n’est pas à l’ordre du jour. Autant j’ai dit que François Bayrou n’était pas seul au MoDem, autant il m’apparaît évident qu’il en est le leader naturel. Guillab : Jean-François Kahn va-t-il poursuivre son chemin avec le Mouvement démocrate malgré sa décision de céder son siège à sa colistière sortante Nathalie Griesbeck ? Je salue l’honnêteté de Jean-François, qui a pris un engagement et qui le respecte malgré, je pense, le désir qu’il avait de siéger à Strasbourg. J’espère de tout mon cœur qu’il restera parmi nous au MoDem, et en particulier qu’il siégera au comité exécutif, dont l’élargissement a été décidé hier soir. guigui43 : Il y a bientôt un congrès de Cap21. Qu’en attendez-vous précisément, sachant que le mécontentement et la défiance vis-à-vis du MoDem montent au sein même de votre mouvement ? Je le sais, parce que je suis proche de mes militants. Notre congrès est statutaire, puisque nous sommes un mouvement dans lequel je présente les comptes annuellement aux adhérents pour qu’ils les approuvent. Nous aurons évidemment un débat de politique générale dont je suis certaine qu’il sera vif, et les militants trancheront de ce qui leur paraît être la meilleure voie. Je défendrai pour ma part l’approfondissement et le renforcement de notre poids au sein du MoDem et une véritable écologisation de ce parti. C’est évidemment notre seule raison d’être dans ce mouvement. Gerald : Vous parlez de l’élargissement du comité exécutif du MoDem, à qui a-t-il été élargi ? Le principe en a été adopté hier soir à ma demande, car je pense indispensable que des représentants du MoDem, c’est-à-dire de militants qui n’appartenaient pas précédemment à l’UDF, puissent être présents au sein du comité exécutif. Des jeunes, des jeunes femmes de préférence pour que nous ayons la parité, ce qui n’est pas encore le cas, des jeunes élus. Tout cela me paraît indispensable. D’ores et déjà, il a été proposé à Jean-François Kahn de rejoindre le comité exécutif, et bien entendu, je m’en réjouis. Chat modéré par Claire Ané La suite sur le site « Le Monde »: [http://www.lemonde.fr/elections-europeennes/chat/2009/06/08/europeennes-quelles-lecons-pour-le-modem_1204435_1168667.html#ens_id|http://www.lemonde.fr/elections-europeennes/chat/2009/06/08/europeennes-quelles-lecons-pour-le-modem_1204435_1168667.html#ens_id|fr]